Le paradoxe du poisson rouge – 8 vertus pour réussir

de Hesna Cailliau

Hesna CAILLIAU nous invite à nous ouvrir à la philosophie asiatique.
Le mot « sagesse » en français vient du latin « sagere » qui signifie avoir du flair.
En Chine, la sagesse se transmet par des paradoxes.
Dans notre tradition gréco-biblique, nous sommes formatés par une séparation Esprit/Comportement/Nature. Nous envisageons le monde sous un angle manichéen (bien/mal), un monde dans lequel l’Homme, coupé de la nature, n’entend plus les signes de celle-ci et cherche à la dominer. Or dans un monde incertain, la pensée rationnelle montre ses limites, il peut donc être formateur d’observer, de s’intéresser à d’autres modes de pensée. Les Chinois sont eux imprégnés par le confucianisme/taoïsme/bouddhisme. Dans cette pensée en réseau, les contraires coopèrent. L’Homme fait partie intégrante de l’univers. En particulier, les animaux sont source d’enseignements. Ainsi, la tradition chinoise vénère-t-elle « le poisson rouge » (la carpe koï) dont la couleur rouge symbolise la joie de vivre. Le poisson rouge est une voie à suivre pour réussir : dans la symbolique Ying/Yang deux carpes koï imbriquées l’une dans l’autre.


Hesna Cailliau nous présente les 8 vertus du poisson rouge

 

1. Le poisson rouge ne se fixe pas à un port.
L’idée est de ne pas s’attacher à des modèles préconçus, car la vie se transforme constamment. Le danger pour les Chinois : vouloir avoir raison, car on s’enferme et on devient sourd et aveugle à son environnement. Les carpes ont de grands yeux pour mieux observer. On retrouve ici une opposition forte entre les deux modes de pensées occidentaux et asiatiques : pour nous il est important de bien penser, pour eux il est important de bien observer. À travers la parabole du poisson rouge, on voit un éloge du silence et de l’ombre. L’ombre n’a pas la connotation négative que l’on peut trouver chez nous.

 

2. Ne pas avoir de but clair et précis pour réussir.
Nous sommes confrontés à deux conceptions du temps différentes. En Chine, le temps est cyclique, il n’y a pas de début ni de fin. Même au point de vue de vocabulaire, la notion de but apparaît à la fin du XIXe en Chine, se fixer un but est présenté comme un inconvénient, car on dilapide son énergie pour l’atteindre, tandis que l’on risque de saisir des opportunités. Il est en effet important de savoir immédiatement changer de cap, lorsque l’opportunité se présente.

 

3. Vivre dans l’instant présent.
Une seule réalité : ici et maintenant, le Chinois est totalement ce qu’il est dans ce qu’il fait (le futur lointain ne l’intéresse pas), ce qui lui permet d’être très attentif à tout ce qui se passe autour de lui. Un dicton : « Qui voit l’invisible est capable de l’impossible ». Chez nous les médias ont tendances à tout brouiller en s’attachant à faire du bruit autour de quelques faits en en laissant passer beaucoup d’autres. (À ce propos, je vous conseille, si vous ne la connaissez pas, l’émission « L’économie en question » sur France Culture le samedi matin à 11 heures, les sujets sont toujours intéressants, et en fin d’émission chaque intervenant met en avant une information [économique] cachée.)

 

4. Éviter la ligne droite.
Le meilleur moyen de vaincre un obstacle est de le contourner (art du détour et de l’esquive). Tandis que dans notre culture, l’Homme qualifié d’intelligent va droit à l’essentiel, tout ce qui est droit met le Chinois mal à l’aise : « Seuls les démons marchent droit. » ou encore « L’arbre tordu vivra sa vie, l’arbre droit finit en planche ». Il est très important de laisser toujours une porte de sortie à son adversaire, en effet tous les moyens sont bons pour éviter les affrontements. La fuite est encouragée, car elle permet de garder ses forces intactes. Chez nous, un dicton comme « Vouloir, c’est pouvoir » montre bien la différence d’attitude, on retrouve les affrontements des origines entre les différentes armées grecques… Ainsi, l’occident valorise les valeurs masculines, ce qui n’est pas le cas, dans la culture asiatique pour laquelle le masculin vient du féminin, le Yang a besoin du Ying.

 

5. Culture du groupe
« On n’est heureux qu’en vivant en groupe. » « Personne n’est plus intelligent que nous tous ensemble ». La coopération entre les salariés est primordiale. Si on n’est pas intégré dans un réseau, tous les coups sont permis, cette acceptation prend du temps, le temps n’est pas une valeur marchande, le temps c’est la relation. À contrario, ne pas être dans un réseau est handicapant… Pour créer cette valeur du groupe, l’éducation vise à renforcer la modestie et les liens de dépendance entre pairs. Il est important de ne pas étaler ses talents, le vrai leader se met en-dessous, c’est une des raisons pour laquelle il n’y a pas de leader charismatique en Chine. En raison de l’importance de l’harmonie sociale, il ne faut pas faire perdre la face à son interlocuteur, ainsi il n’y a pas de discussion alors que pour nous le débat est vital. Donc, tout le monde a raison, il n’y pas de vérité à 100%, les idées s’éclairent et se complètent : ce qui a été n’est plus, évolution au fil du temps.

 

6. Le poisson rouge se meut avec aisance dans le mouvement.
C’est pour cela que les Chinois sont capables de modifier un contrat ! Il n’existe pas de principes gravés dans la pierre. La culture chinoise vit avec l’idée du changement, tandis que nous avons construit notre culture sur des certitudes. Cette manière de voir leur permet de mieux vivre l’échec : « qui n’apprend pas à échouer, échoue à apprendre ». « Ne cherchez pas à entretenir la vérité, cessez simplement d’avoir raison ».
Dans cette optique, la philosophie bouddhiste est une invitation à ne pas prendre la vie comme une vallée de larmes : « Il faut vouloir être heureux. »

 

7. Être calme et serein.
Un esprit inquiet est toujours vaincu par un esprit serein. Dans ce sens, la méditation est une extinction du cogito : c’est quand je ne pense pas que je suis (dans la réalité). La méditation est un moyen de retrouver de l’énergie, pour retrouver nos capacités, pour les exploiter, notre tête a besoin d’arrêter sa mécanique intellectuelle. Tandis que nous exaltons la pensée, Bouddha l’appelle « le singe fou » : toujours agité, jamais satisfait.

 

8. Remonter à la source.
Ne pas perdre les liens avec la tradition permet de mieux s’enraciner pour mieux s’envoler. Il faut différencier le « moi » et le « je » céleste. Ici dans le sens de la spiritualité, développer l’œil qui voit les choses, car c’est notre oxygène de vie. L’humanité a besoin de voyants. Cette spiritualité existait, on en trouve des traces dans l’antiquité ; par exemple : Europe était une princesse phénicienne dont le nom signifiait « bonne vision ».

 

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