Toucher le fond

Pourquoi, majoritairement, attendons-nous de toucher le fond pour enfin faire ce qui est difficile ? La réponse est dans la question. Parce que tant que nous ne nous touchons pas le fond, nous ne savons pas que c’est le fond (le bout du bout). Et parce que c’est en touchant le fond, que nous avons enfin un support stable sur lequel nous reposer et nous relever. Car tant que l’on est en chute libre, nous sommes rarement équipés d’un parachute, d’ailes dirigeables, ou de branches solides auxquelles nous raccrocher… Bon ça s’apprend de plonger dans l’inconnu avec l’option vol direct vers l’objectif, et sans escale, mais bien peu de gens font cet apprentissage. Donc tant que l’on n’est pas équipé pour les cascades de haut-vol, et bien quand la vie nous fait tomber de haut, on chute. Alors on chute plus ou moins vite, et plus ou moins loin… Mais on chute et la descente vertigineuse peut nous paralyser, jusqu’à ce qu’on touche le fond.

 

Et donc ce fond est très paradoxal, parce qu’il est à la fois le signe qu’on est tombé bien bas, que le pire est là. Tout en étant le signe de l’espoir, du soulagement, de la reprise de repères, parce qu’enfin on peut se poser et regarder autour de soi. Il est certain une fois qu’on ouvre les yeux, que l’environnement peut ressembler au chaos, à un tunnel sans fin et sans lumière ou à désert de cendres… Car lorsqu’enfin nous acceptons de regarder la situation en face, il est fort probable qu’elle soit source de tristesse, de souffrances, voire de désespoir. Il n’est pas rare que nous puissions ressentir des émotions parfaitement contraires en même temps, lorsque nous sommes partagés entre le désespoir et malgré tout l’espoir aussi infime soit-il de s’en sortir.

 

L’être humain a bien des défauts, mais il porte également en lui des ressources incroyables et insoupçonnées. Et ces ressources vont se manifester à point nommé, exactement dans les moments où l’on ne s’y attend pas, et quand on en a le plus besoin. L’instinct de survie est grand et puissant et c’est exactement au moment où le désespoir peut naitre en nous, qu’il apparaîtra pour nous empêcher d’abandonner la vie et donc faire naitre également l’espoir. Alors bien évidemment, la première raison qui nous amène dans des situations inextricables, c’est de ne pas avoir agi en amont. On ne touche pas le fond par hasard. Il y a des choix qui se sont offerts à nous que l’on n’a pas faits, des décisions qui devait prises, qui ont été ignorées, et une marche après l’autre nous avons dévalé l’escalier sans nous arrêter jusqu’en bas.

 

Cela arrive par :

 

  • – Inconscience, on ne se voit pas chuter,

 

  • – Déni, on nie la situation qui nous entraine dans un cercle vicieux infernal,

 

  • – Manque de courage, on sait, mais on n’a pas la force d’agir, – Incompétence, on fait des choses, mais elles nous enfoncent plus qu’elles ne nous aident,

 

  • – Orgueil, on refuse de demander l’aide disponible,

 

  • – Auto-sabotage, autodestruction, on participe à se nuire parce qu’on croit qu’on n’en vaut pas la peine, que ça ne vaut pas la peine, qu’on mérite ce qui nous arrive, qu’on a rien attendre de mieux… Là, c’est le désespoir qui nous plonge dans davantage de désespoir. Les gens dépressifs entrent généralement dans cette catégorie. Et curieusement, visiter les ténèbres pourra être source de renouveau et d’espoir, ou venir confirmer le choix de nourrir encore plus de désespoir.

 

Parfois on cumule. Notre histoire et comment nous nous sommes construit participe grandement à la façon dont nous accueillons et réagissons aux épreuves de la vie. Si nous avons appris à être responsable, à avoir du sang froid, à être courageux dans l’adversité, nous aurons plus de ressources face aux difficultés, que quelqu’un qui aura été surprotégé, déresponsabilisé de ses erreurs ou peu encouragé à l’effort. La réalité est que ce sont les épreuves qui nous forgent. On ne peut apprendre à être « fort » sans avoir à affronter des difficultés qui exigeraient de nous de l’être.

 

Si notre enfance a été jonchée d’obstacles, nous aurons eu l’opportunité d’apprendre, d’expérimenter, de nous dépasser. Si l’on découvre la difficulté de la vie en tant qu’adulte, c’est à ce moment-là que nous aurons l’opportunité d’apprendre. Mais de la même façon que les enfants apprennent plus vite et plus facilement que les adultes, l’école de la vie sera plus facile pour un enfant qu’un adulte. Bien que l’adulte ait plus d’indépendance et d’autonomie que l’enfant, il est également moins souple, moins agile, moins instinctif. Si en tant qu’adulte, on entraine notre flexibilité, notre capacité d’adaptation, tout en alliant nos capacités cognitives d’adulte, dont les enfants sont dépourvus, alors nous avons un socle solide et efficient pour apprendre et apprendre vite, ce que l’on n’aura pas éprouvé dans l’enfance. Car c’est un atout d’être adulte pour se fortifier ; à condition d’exploiter les capacités adultes, sans cultiver les inaptitudes de l’enfant.

 

Vous pouvez apprendre par l’expérience, vous pouvez également vous faire aider par ceux qui ont l’expérience, par l’auto-apprentissage, ou par un accompagnement en développement personnel. Car tout ce que l’on n’a pas acquis enfant, est parfaitement accessible en tant qu’adulte, à condition que l’on reconnaisse avoir des manques, qu’on les prenne en charge et qu’on fasse le nécessaire pour les combler par soi-même. Si vous ne faites pas les choses par vous-même et pour vous-même, personne ne le fera à votre place. Parfois agir en amont, c’est apprendre avant d’être confronté à toucher le fond. Mais comme je l’ai dit, l‘être humain aime bien attendre d’être dans le fond du trou, pour se décider à agir. C’est dommage, car il n’est nullement nécessaire d’en arriver là pour apprendre à agir au bon moment et de la bonne façon. Mais c’est peut-être une leçon qu’on doit expérimenter avant d’y croire, et de choisir de faire autrement.

 

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