Matière ou Non-matière, quelles potentialités ?

Article du site Inrees ; Auteur : Morvan Salez (Astrophysicien)

 

Esprit et matière : Du quantique plein la tête

 

Le flou quantique est-il en train de brouiller la frontière qui semblait pourtant étanche entre science physique et parapsychologie ? La physique quantique pourrait être à même de fournir un cadre explicatif aux résultats enregistrés depuis plusieurs décennies.

 

En physique quantique, les équations décrivent un univers de possibilités latentes qui ne se sont pas encore manifestées dans le monde sensible. Selon l’interprétation la plus consensuelle, les caractéristiques de l’objet réel ne « naissent » qu’une fois réalisées les mesures permettant de les mettre en évidence. Autrement dit, l’objet réel reste suspendu dans un flou de potentialités tant que personne n’a décidé de le voir, le toucher, le mesurer. L’expérience sensible – d’un expérimentateur qui regarde un cadran d’appareil dans un laboratoire, ou de quiconque interagit avec son environnement grâce à ses sens – « force » l’univers, par nature riche de potentialités mais hésitant, à se décider.

De nombreux objets quantiques, en électronique par exemple, manifestent ces superpositions d’états dans lesquels l’objet reste tant qu’une mesure n’est pas effectuée. Cet indéterminisme intrinsèque ouvre de passionnantes perspectives.

 

Des systèmes sensibles à l’influence psychique ?

 

En effet, on peut imaginer que des systèmes en état quantique, pouvant basculer dans un niveau ou dans l’autre, seront très sensibles à toute perturbation extérieure. Cette perturbation pourrait-elle être d’origine psychique ? Ceci reste une hypothèse à démontrer, mais elle est accréditée par de nombreux témoignages et par des études scientifiques menées avec grande rigueur sur la psychokinèse (1). Il est intéressant de constater qu’en matière de recherches parapsychologiques, un nombre croissant d’expériences utilise justement des systèmes foncièrement aléatoires, afin de mettre en évidence de façon claire et statistiquement analysable, des effets mesurables de l’intention. Sont utilisés par exemple des générateurs de nombres aléatoires (GNA), ou des sources radioactives (2). Dans les années 30, lorsque Joseph Rhine étudiait à l’université de Duke la perception extra-sensorielle (ESP) en faisant lancer des dés par une machine, une étude sur la contrepartie PK – le sujet « devinant » le résultat des lancers pouvait-il aussi « influencer » ce résultat à son insu ? – portant sur 500 000 essais, sembla concluante (3). La nature fondamentalement indéterministe d’un système quantique, suspendu dans la superposition de ses potentialités, avec pour chacune une probabilité de se produire qu’on peut calculer, le rend tout désigné pour ce type d’expérience. A telle enseigne d’ailleurs que plusieurs entreprises high-tech (4) impliquées dans les télécommunications ou les interfaces homme-machine, ont subventionné des recherches sur l’influence mentale sur des composants électroniques de type GNA, depuis plusieurs décennies. Ce type de recherche a été spectaculairement développé par Robert Jahn et ses collègues du Princeton Engineering Anomalies Research (PEAR) (5).

 

Science physique et parapsychologie : vers un rapprochement ?

 

Lorsque de grands physiciens comme Wigner, Wheeler ou Jordan, n’excluent pas que l’esprit humain (ou tout observateur conscient) puisse décider le système à « choisir » lors du passage de l’état quantique à l’état classique, il faudrait porter des oeillères pour ne pas voir la convergence avec les études expérimentales sur la psychokinèse. Comme le dit Arthur Koestler, on a vu, au cours du vingtième siècle, dans un mouvement symétrique, la physique orthodoxe « s’encanailler » et la parapsychologie devenir « une dame respectable » (6). La rencontre n’a pas encore eu lieu – du moins, pas sur la place publique. Mais cela pourrait changer bientôt. A ce propos, le physicien Olivier Costa de Beauregard rappelle que « bon nombre des Pères Fondateurs de la physique (Copernic, Kepler, Newton, Hooke, Boyle, Pauli, et d’autres) étaient bien plus guidés par leur intuition et ouverts à l’exploration de phénomènes défiant le sens commun que ne les décrit le courant « rationaliste ». De leur côté, les Pères Fondateurs de la parapsychologie moderne, comptaient dans leurs rangs des chercheurs illustres comme Barrett, W. James, Bergson, McDougall, Richet, Thomson, Jung – ce qui n’est pas à prendre à la légère. » La liste des premiers présidents de la Society for Psychical Research (SPR) britannique est instructive à cet égard ; on y trouve de grands noms de la science de l’époque, dont trois prix Nobel. Ailleurs et depuis, d’autres grands scientifiques dont des Prix Nobel de physique se sont aussi tournés vers des recherches sur les phénomènes psi. Il est temps d’abolir le schisme simpliste et stérile entre parapsychologie et physique dite « respectable ». Rupert Sheldrake, Dick Bierman et Dean Radin, pour ne citer qu’eux, ont montré que les expériences de parapsychologie peuvent être beaucoup plus rigoureuses – menées en double aveugle, sur un très grand nombre d’itérations, avec analyses statistiques poussées – et mieux protégées de la fraude et de l’erreur d’interprétation que nombre d’expériences de la science « mainstream » publiées dans les journaux à comité de lecture les plus « respectables ».

 

Du quantique plein la tête

 

S’il s’avérait que le mental peut influer sur le résultat d’un processus de nature aléatoire, alors un système maintenu dans une superposition d’états quantiques y serait plutôt sensible. C’est la même idée qui fait dire dès les années 50 au neurologue et Prix Nobel de médecine John Eccles, que le comportement quantique du processus d’exocytose – le transport des neurotransmetteurs – dans les synapses, en fait le lieu idéal pour être sensible à l’intention. Autrement dit, notre volonté et notre libre arbitre s’insèreraient dans le réel à cet endroit précis, dans les synapses du néocortex, du fait du caractère quantique de leur fonctionnement. A bien y regarder, le libre-arbitre est-il autre chose qu’un état métastable, susceptible face à une décision, de basculer d’un côté comme de l’autre, à l’image des systèmes quantiques ? Si un tel fonctionnement était avéré – et la biologie s’intéresse de plus en plus aux phénomènes quantiques à l’œuvre dans le Vivant – la PK serait en amont dans chacun de nos gestes : lorsque nous décidons de déplacer la souris ou de frôler le pied d’une dame sous la table, cette intention se traduirait dans le néo-cortex par un phénomène quantique initiant cette action au niveau des synapses. Le cerveau, dans ce modèle, n’est plus une machine à produire, mais à détecter de la pensée.

 

D’autres théories ont certes été proposées pour tenter d’expliquer l’interaction du mental avec le monde physique ; toutes ne font pas appel à la physique quantique. Mais perception extra-sensorielle et PK y sont souvent les deux faces, l’une passive, l’autre active, d’une même capacité pour l’esprit de « se brancher » sur le réel de la matière et de l’espace-temps, selon des lois acausales et non locales qui ressemblent fort aux spécificités de la théorie quantique. Par-delà ses implications philosophiques, l’hypothèse mérite d’être prise au sérieux. Ce type d’interaction esprit-matière survenant au niveau quantique représenterait en effet à la fois un handicap pour certaines applications (qu’il faudrait « filtrer » et « blinder » des influences mentales parasites), et une mine d’or pour en développer de nouvelles, en particulier des systèmes technologiques contrôlés ou assistés par la pensée. Science-fiction ?

 

Selon Jahn, un système vivant, complexe et fortement non-linéaire, pour lequel de petites perturbations peuvent avoir d’énormes répercussions (par amplification et auto-duplication), devrait se prêter à merveille à ce type d’études. C’est ce que semblent montrer les récentes expériences de PK ciblant des systèmes biologiques (« bio-PK ») : les déviations enregistrées par rapport à un comportement purement aléatoire, sous l’influence psi, sont statistiquement – et parfois spectaculairement – significatives. On en a réalisé sur des bactéries, champignons, algues, souris, fourmis, et même êtres humains. Ces développements ouvrent des perspectives immenses pour comprendre les processus d’autoguérison inexpliquée, les modifications d’état de santé attribuées à l’autosuggestion, aux guérisseurs, à des saints, à des cérémonies religieuses collectives, ou à des pratiques vaudou et de sorcellerie dans de nombreuses cultures.

 

Esprit et matière : l’énigme reste entière

 

Le questionnement sur la nature de la conscience retrouve alors toute sa pertinence. Il avait été évacué par les physiciens classiques. Les conceptions matérialistes et « monistes » sur la conscience dans lesquelles celle-ci n’est qu’un épiphénomène de l’activité physico-chimique cérébrale, sont aujourd’hui encore très en vogue. Elles ont solidement ancré dans notre société l’idée – probablement simpliste et fausse – que notre conscience et notre libre arbitre ne sont que des illusions. Cette vision exclut bien entendu les phénomènes psi de type télépathie, précognition ou remote viewing impliquant de la non localité dans le temps et l’espace, ou les expériences « spirituelles » de mort imminente, les sorties du corps, et d’autres états modifiés de conscience rapportés dans toutes les cultures du monde et à travers les âges, dans lesquelles la perspective est renversée : la réalité première est bien du côté de l’âme, et non plus du côté du monde « matériel » qui apparaît comme un gigantesque spectacle : une vaste scène avec des décors, et un scénario – mais avec ce qu’il faut de malléabilité, d’indétermination, pour qu’il nous surprenne, pour que l’on puisse s’y exprimer, improviser, jouer avec. Du théâtre quantique, en quelque sorte. Never mind…

 

(1) Dean Radin, Entangled Minds, Paraview Pocket Books 2006 et le site de l’IMI : www.metapsychique.org
(2) Le physicien Helmut Schmidt, dans les années 70, a utilisé une source radioactive (en l’occurrence du strontium 90), pour mesurer des effets d’origine psychokinétique.
(3) Elle ne fut publiée qu’en 1943. On doit l’idée de remplacer le lancer de dés par un processus physique naturellement aléatoire à Beloff et Evans (1961) puis à Chauvin et Genton (1965).
(4) Bell Labs, Sony Labs, Boeing, NASA
(5) Brenda Dunne et Robert Jahn, Aux frontières du paranormal, Editions du Rocher, 1991.
(6) Arthur Koestler, Les racines du hasard, Calmann-Levy, 1972.

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