Suite, Quelles sont les clés de l’apprentissage ?

Partie 2

5. Espacer pour consolider

Se tester et se corriger, oui, mais pas sans arrêt. En 2021, l’équipe d’Ethan Buch (neurologue aux Instituts nationaux de la santé américains NIH), a publié une étude révélant le bénéfice de faire des pauses. 33 volontaires ont été chargés d’exécuter une tâche (taper une suite de chiffres) le plus rapidement possible pendant 10 secondes, suivies de 10 secondes de repos, plus de 30 fois de suite, alors que l’activité de leur cerveau était enregistrée par magnétoencéphalographie. Et là, surprise ! Pendant les périodes de pause, les chercheurs ont observé une sorte de « replay neuronal » dans le cerveau des volontaires, durant 50 millisecondes. Comme si le cerveau récapitulait les nouvelles informations en vitesse accélérée. Un processus inconscient, qui permettrait aux tout nouveaux souvenirs d’être mémorisés. Selon les chercheurs, mieux vaut donc entrecouper les sessions d’apprentissage de pauses régulières.

 

Ce n’est pas tout. Autre règle d’or : il faut distribuer les périodes d’entraînement plutôt que les agglomérer, précise Stanislas Dehaene. Pourquoi ? Margaret Bradley, de l’université de Floride, révèle dans une étude d’imagerie cérébrale (Human Brain Mapping 2015) que le regroupement des révisions en une seule session diminue l’activité cérébrale dans une région donnée (peut-être par effet d’habituation à l’information). Alors que l’espacement des apprentissages l’augmente car elle force les circuits sollicités à travailler davantage. On dit que l’on déjoue ainsi « la courbe de l’oubli ». Élaborée en 1885 par Hermann Ebbinghaus, pionnier allemand de la psychologie expérimentale, cette courbe établit la rapidité avec laquelle on oublie une information, en fonction de la fréquence et l’intervalle des répétitions.

 

6. Ne jamais oublier de dormir

Si l’apprentissage bénéficie de l’espacement régulier des révisions, c’est aussi parce que toutes les nuits notre cerveau est en mode « consolidation ». Après l’endormissement, les éléments nerveux (neurones et structures cérébrales) activés par un apprentissage donné sont spontanément réactivés, suggérant que le cerveau endormi non seulement révise mais travaille sur les informations qu’il vient d’apprendre. Ce superpouvoir du sommeil a été découvert pour la première fois en 1994 par Matt Wilson et Bruce McNaughton (de l’université de l’Arizona). En effectuant des enregistrements cérébraux chez la souris, ils ont observé qu’une fois l’animal endormi, son cerveau et précisément l’hippocampe, structure impliquée dans la mémorisation, rejouait ses déplacements de la veille, selon une séquence temporelle identique.

 

Dix ans plus tard, l’équipe de Philippe Peigneux (de l’université de Liège) démontrait cette même capacité chez l’humain. D’après ses travaux, les performances à un jeu vidéo s’améliorent après une nuit de sommeil et l’accroissement des scores est corrélé avec l’activation de l’hippocampe lorsque le joueur dort. Pour rappel, un dormeur enchaîne en moyenne cinq cycles de sommeil alternant différents stades : sommeil léger, sommeil lent profond et sommeil paradoxal. Le sommeil lent profond serait plus important pour la consolidation des souvenirs et des connaissances. Alors que le sommeil paradoxal serait plus utile pour les apprentissages moteurs (savoir-faire).

 

Si on perturbe l’architecture des cycles de sommeil, on perturbe l’apprentissage en général, assure le neuropsychologue Francis Eustache. C’est pourquoi, ne pas assez dormir ou se coucher trop tard entraîne des perturbations de l’apprentissage chez les enfants et adolescents. Chez ces derniers, Jean-Luc Martinot et son équipe (de l’unité Inserm Neuro-imagerie et psychiatrie) ont même observé en 2017 une diminution du volume de matière grise (corps cellulaires et connexions des neurones) associée à un manque de sommeil après avoir étudié le cerveau et les habitudes de sommeil de 177 élèves âgés de 14 ans. Pour les spécialistes, cette étude suggère de veiller à ce que les adolescents acquièrent de bonnes habitudes de sommeil pendant cette période de maturation de leur cerveau. En particulier, éviter de se coucher systématiquement trop tard pendant les week-ends semble important pour optimiser le potentiel de développement du cerveau et pour contribuer à la réussite scolaire.

 

7. Bouger pour renforcer l’apprentissage

En mai 2021, l’équipe de Tetsuya Matsuda (du Tamagawa University Brain Science Institute au Japon) a montré que les personnes physiquement actives dans l’enfance ont de meilleurs résultats aux tests cognitifs à l’âge adulte. Pour cela, elle a analysé les résultats de tests cognitifs et d’imagerie cérébrale de 214 participants âgés de 26 à 69 ans qui avaient renseigné leur niveau d’activité jusqu’à l’âge de 12 ans. Il est alors apparu, chez ceux et celles qui avaient la plus grande activité physique étant petits, de meilleurs scores à un test de contrôle comportemental (capacité à réagir de manière appropriée sous la pression du temps), ainsi qu’une épaisseur et une efficacité corticales accrues et une connectivité interhémisphérique renforcée.

 

On pense que l’exercice physique pendant cette période optimise le développement du réseau cérébral et est lié au maintien et à la promotion de la fonction cognitive plus tard dans la vie, concluent les auteurs. Mais même plus tard le fait de bouger est bénéfique. Une méta-analyse en 2016, de l’université de Colombie-Britannique au Canada, qui a passé en revue 39 articles portant sur les effets sur la santé cérébrale après 50 ans de tous types d’exercices physiques, conclut « qu’un programme mêlant activités aérobies (d’endurance) et de résistance est bénéfique pour la fonction cognitive, à condition qu’il soit d’intensité au moins modérée et réalisée en séance de 45 minutes minimum, si possible quotidiennes ». Une explication : le muscle agirait sur les neurones en produisant des protéines appelées « myokines » qui poussent le cerveau à multiplier les facteurs de croissance.

 

Cinq astuces pour bien mémoriser

 

LE REGROUPEMENT :

Pour retenir rapidement une série de chiffres 8, 5, 8, 4, 3, 7, 9, 2, 1, on utilise notre mémoire à court terme (dite de travail). Mais elle ne peut retenir que sept items pendant quelques minutes. L’astuce consiste donc à regrouper les chiffres (858, 47, 921).

 

L’ASSOCIATION SPONTANÉE :

Pour mémoriser dates ou numéros à long terme, il faut les rendre concrets en les imageant, par exemple en associant à des éléments plus concrets comme mai (68), Paris (75), le Samu (15).

 

LA STRATÉGIE SAC (SÉLECTION, ASSOCIATION, CONNEXION) :

Utile pour mémoriser des nouveaux mots selon Sébastien Martinez, champion de France de mémoire (lire S. et A. n° 866), Elle consiste à créer des associations entre des mots et des images. Par exemple, pour se souvenir que la capitale des îles Marschall se trouve sur l’atoll Majuro, on peut imaginer un maréchal (Marschall), très en colère, en train de jurer tout haut (jure haut).

 

LE PALAIS MENTAL OU PALAIS DE LA MÉMOIRE :

Popularisée à Rome par Ciceron, l’astuce consiste à visualiser un lieu familier et à y déposer mentalement les informations à apprendre dans un certain ordre auquel on associe une image mentale frappante. Il n’y a plus ensuite qu’à s’entraîner à revisiter le lieu pour retrouver les éléments les uns après les autres.

 

LA MÉTHODE COALA (CONCENTRATION OBSERVATION ASSOCIATION LIEN ANCRAGE) :

Selon Sébastien Martinez, elle est indiquée pour retenir le nom de nouvelles personnes. On se concentre sur le visage en laissant cours à son imagination, qui peut être rationnelle (il ressemble à l’acteur Michel Blanc) ou loufoque (un animal, un légume). Puis on associe le visage au nom, en suscitant toujours des images « Pierre = caillou ». Il ne reste plus qu’à créer un lien entre visage et nom. « Michel Blanc qui reçoit une pierre sur la tête en se cassant la figure » et se le répéter autant que nécessaire.

 

Source Article issu du magazine Sciences et Avenir – La Recherche n°896

 

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