Le rouleau compresseur de la norme

J’entends par norme non pas ce qui serait « normal » mais ce qui est majoritaire et qui par la force du nombre crée une norme. Une norme proche de la moyenne, en sachant que même si le cœur d’un groupe est dans la moyenne, proche de la moyenne, cela ne reste représentatif que d’un regard normatif et non d’un regard objectif, ou nuancé. Et cette norme passe au rouleau compresseur tout ce qui dépasse. Donc dès qu’on sort de la norme, dès qu’on dépasse, déborde d’un groupe d’individus, on devient l’épi de cheveux insupportable, indiscipliné, qui malgré le gel, la laque, reste rebelle, inflexible, implacable, non aligné parmi ses congénères.

 

Durant l’enfance, il y a le petit gros qui rêve d’être grand et mince, le binoclard, qui voudrait être « bogoss », le chétif matheux, qui se verrait bien en athlète performant etc.. Ce sont des caricatures parmi d’autres, qui à mon grand regret, existent. Nous disons que les enfants sont cruels, inconscients (ou conscients) du mal qu’ils peuvent faire et nous imaginons qu’une fois adulte se sera fini. En fait c’est pire, et plus pernicieux…

 

L’envie est humain, et c’est humain d’avoir envie d’être à la place de celui qu’on croyait mieux loti que soit. J’ai bien dit qu’on croyait. Car si l’est vrai qu’en apparence nous supposons toujours que l’herbe est plus verte ailleurs, en réalité, il y a souvent un grand écart entre ce que l’on s’imagine et ce qui est.

 

On croit toujours que les enfants « désavantagés » par des attributs physiques et/ou intellectuels souffrent, quand les enfants bénéficiant « des dons de la nature » ne souffriraient pas. C’est une méconnaissance de la norme. La norme passe à la moulinette tout ce qui dépasse. Ainsi s’il est vrai qu’il n’est pas bon d’être trop stupide ou trop « moche », il n’est pas bon d’être trop intelligent, trop beau, trop brillant !

 

En fait, il ne faut pas être particulier, ou singulier de quelques façons que ce soit. Dés que vous l’êtes à cause de votre taille, de votre chevelure, de votre façon de parler, de vous tenir, de vous vêtir etc… Vous êtes soumis à la broyeuse normative. Hors ne pas dépasser d’un chouia dans aucun domaine reste très difficile. Ainsi la norme elle-même se fait continuellement subir, ce dont elle souffre.

 

Je ne veux pas échelonner la souffrance d’un enfant, d’une personne, en comparaison de celle d’une autre. Genre souffrir d’un aspect physique est un niveau de souffrance supérieure à celui qui souffre d’être beau. Ce n’est tout simplement pas la même souffrance. Le premier souffre de son physique, du regard extérieur, le second souffre de l’envie d’autrui qui peut mener à la volonté de nuire. Certains envieux ne feront qu’y penser, quand d’autres passeront à l’action. Et subir la nuisance d’autrui qu’il s’agisse de coups dans le dos, ou d’attaques directes, c’est finalement très proche des humiliations et dénigrements qu’ont pu subir ceux dont l’aspect physique dérange. Cela ne s’est pas manifesté de la même façon, ni pour les mêmes raisons, mais cela montre que nous sommes tous soumis à la broyeuse normative, quelque soit le motif, parce que la norme trouve toujours ce qui dépasse, ce qui ne lui ressemble pas, ce qui n’est pas « normal » (dans la norme).

 

Alors pourquoi je me penche sur ce sujet ?

 

Parce que ceux qui ont été humiliés et qui ont envié, ont cru ou croit encore que la place de l’autre est enviable, que l’autre ne souffre pas, que l’autre est mieux loti que lui et que ses problèmes sont mieux que les leurs. En réalité, ce n’est pas le cas. Je vais être dur, mas quand vous êtes stupide, personne n’attend de vous que vous brillez. C’est sans doute triste, mais on ne vous demandera pas de faire plus que nécessaire, on considérera que vous en êtes incapables. C’est assez terrible de constater l’humain ainsi, mais c’est lui dans toute sa splendeur. Mais celui qui est brillant, on trouvera qu’il a de la chance, et on lui demandera d’en faire 2 fois plus que vous pour prouver qu’il mérite sa place. Inconsciemment les beaux, les brillants sont sanctionnés assez régulièrement. On se dit qu’ils sont déjà gâtés par la nature, qu’ils ont déjà « tout » pour eux et donc ce qu’ils veulent ne peut pas tomber tout cru. Faire ses preuves est insuffisant, il faudra redoubler d’efforts, faire le double de preuves que ce qu’on demanderait à n’importe qui (de moyen). Les gens préfèrent aider celui qui attire la pitié, plutôt que celui qui brille. C’est bien connu celui qui brille n’a pas besoin d’aide et doit se débrouiller tout seul Il est déjà avantagé, on ne va pas en plus l’aider.

 

Je grossis les traits pour être sure que c’est bien clair. Je ne veux pas plaindre les gens gâtés par la nature, mais j’ai le sentiment qu’on a peu conscience de la malveillance humaine et de combien elle s’exprime sous bien des formes, impactant tout un chacun, pour n’importe quelle raison, juste parce que la mal être est humain autant que l’inconscience et la cruauté.

 

Donc dépasse de la norme tout ce qui se situe dans chacune des 2 extrémités. Et si l’on est généralement empathique pour ceux qui ont « moins » (qui sont peu gâtés par la nature), là où on creuse le fossé, c’est en supposant que ceux qui ont « plus » ne souffrent pas ou ne devraient pas souffrir de leur situation. C’est peut être cela qui est dommage, dans la croyance qu’on cultive et de la façon dont on induit une perception erronée de la réalité.

 

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