Victimisation des atypiques

Mais pas que...

Je souhaiterai parler de la victimisation à tout va, du « les autres sont des cons », « et « si l’autre se remettait en question, à ma place »… Victimisation au sens de se victimiser, sans l’être forcément/réellement, tout du moins en ayant un autre choix que celui de la victimisation. Ici il ne s’agira pas d’inclure les situations où nous sommes vraiment victimes de la volonté de nuire d’autrui.

En « bonne personne » à haut potentiel ou autiste de haut niveau (profil atypique), pendant très longtemps je me suis victimisée ; et comme toute « bonne » victime, l’autre est le diable et moi je suis la blanche colombe qui n’a rien à se reprocher…

 

La réalité bien évidemment est toute autre. Si je ne nie en aucun cas qu’il puisse exister des personnes profondément malveillantes, dont le but est de détruire l’autre, malheureusement de nombreuses personnes sont blessantes plus par inconscience de leur propre souffrance que par volonté consciente de nuire.

 

Ainsi tout au long de la vie, nous rencontrons des personnes blessantes et nous avons le choix de nous détruire ou de dépasser ces situations. Oui j’ai bien dit « NOUS détruire » et non « être détruit » comme si cela pouvait venir de l’extérieur. Nous sommes les seuls à pouvoir nous détruire. Je sais que c’est très dur de prendre en charge notre propre souffrance et de réaliser que personne ne nous y soumet et que de la même façon que nous choisissons de souffrir, nous pouvons choisir de ne pas souffrir, mais tant que nous n’avons pas parcouru un certain chemin intérieur, cette perception des choses risque d’être inacceptable et inenvisageable, quand bien même elle serait une des clés du bien-être.

 

Les personnes atypiques souffrent de la critique constante de leur personne/personnalité. Trop ceci, pas assez cela, tu devrais être comme ci, tu devrais faire comme ça etc… Toute leur vie, elles se voient remise en question par la masse/norme qui leur explique avec une certaine constance, combien elles n’entrent pas dans les cases et qu’il serait bien qu’elles y entrent, faute de quoi la sentence se fera sentir… La norme ne devrait pas s’inquiéter autant à notre sujet, nous vivons notre différence au quotidien, tout comme les handicapés physiques qui observent tous les jours combien la société les prend peu ou pas en compte, combien on leur demande de s’adapter en permanence, pour ne pas dire se débrouiller dans un environnement hostile qui les exclut. Dans une société normalisante, la différence semble déjà être une punition en soi.

 

Bien évidemment cette soumission aux jugements populaires, à l’exclusion, à l’isolement parfois, est difficile et peut faire souffrir. On subit « des attaques » qu’on ne voit pas venir, et il peut être aisé dans ces conditions de se considérer victime des autres, victime de la société, et de considérer que les méchants, les cons, les inconscients, ce sont les autres ! Et que par conséquent, ce sont eux qui ont tort et qu’ils devraient changer. Peut être y-a-t-il une part de vérité, qui sait ? Mais cette façon de voir les choses est handicapante. L’autre ne nous place pas en position de handicap, nous répétant que l’on a qu’à s’adapter. Et ne s’adaptant pas, nous nous sentons handicapé, inadapté, inadéquat, limité, impuissant et donc victime. Notre première erreur est de penser que nous sommes victime des autres, notre seconde erreur est de leur demander ce qu’ils nous demandent : changer/s’adapter. Cette perception des choses est une impasse, puisqu’elle ne nous permet pas d’agir, et qu’elle attend de l’autre qu’il agisse à notre place, pour notre propre confort. Pourtant nous sommes nombreux à entretenir cette impasse, des 2 côtés (nous et les autres) et répéter indéfiniment les mêmes situations (schémas). Mais ce n’est pas obligé ! Non seulement parce que vivre ça n’est pas une spécificité des personnes atypiques, mais aussi parce qu’il est possible de dépasser ces situations afin de ne pas (se) faire souffrir inutilement.

 

S’il est indéniable d’être parfois, souvent, confronté aux comportements négatifs d’autrui, il est indéniable également que personne ne nous force à en souffrir.

 

Comment ?

– En prenant conscience que l’autre est rarement la source de la souffrance, il n’en est que le détonateur, le révélateur, et qu’il ne peut nous faire souffrir, que si nous souffrons déjà.

– En prenant conscience que celui qui fait souffrir est souvent quelqu’un qui souffre inconsciemment, parce qu’on ne fait aux autres que ce que l’on se fait à soi-même.

– En comprenant pourquoi nous souffrons, afin de pouvoir cesser de nous faire souffrir.

– En comprenant que les jugements extérieurs parlent davantage de la personne qui s’exprime que de nous.

– En (s’)interrogeant sur le but du jugement : pourquoi dit-il ça ? quel sens cela peut-il avoir ? que souhaite-t-il exprimer ? Que dois-je comprendre ? Que puis-je en faire ? Dois-je en faire quelque chose ? Est ce que tous les jugements extérieurs me font souffrir ? ou seulement certains ?

 

Donc s’il est vrai que nous puissions être victimes des autres, nous le sommes souvent avant tout de nous-même, parce que nous nous apitoyons, nous nous déresponsabilisons, nous accusons les autres, nous restons passifs, nous entretenons ces situations et sentiments afin de faire coller notre expérience à notre pensée, parce que découvrir combien nous nous mentons, combien nous manipulons la réalité, combien nous sommes responsables de notre propre malheur serait terrible.

 

Pourtant du jour où nous nous responsabilisons de nos souffrances, nous en devenons Maître, si notre souffrance et notre bonheur sont entre nos mains, cela signifie que tout dépend de nous, que tout est en notre pouvoir et que nous pouvons agir pour notre propre bien être.

 

Si c’est l’autre qui peut nous détruire, nous faire souffrir, et si c’est l’autre qui doit changer, faire, réparer, quel pouvoir nous reste-t-il ? Et si nous n’avons aucun pouvoir sur nous-même, si tout dépend de l’autre, aussi bien notre bonheur que notre malheur, alors à part subir la vie, les gens, le monde, quel autre choix reste-t-il ? Une vie sans choix, sans pouvoir, s’appelle-t-elle encore la Vie ?

 

Être victime c’est être impuissant, c’est remettre nos capacités de décisions et d’actions, entre les mains d’autrui ; un autre pas forcément attentif, pas forcément bienveillant, pas forcément compétent… Remettre son bonheur entre les mains des autres est sans doute le plus grand risque que l’on puisse prendre pour se mettre en danger, pour souffrir, pour nourrir l’impuissance. Dépendre des autres est très insécure, faire ce choix c’est choisir l’inconfort de la peur, de la précarité, de la misère humaine.

 

C’est également être un tyran émotionnel sans s’en rendre compte, parce qu’à force d’exiger de l’autre qu’il comble tous nos manques, d’amour, de confiance, de valeur, nous le détruisons à petit feu, jusqu’au jour où il est fort probable qu’il nous abandonne, ne supportant plus ce poids qu’il porte et qui ne lui appartient pas. Et c’est ainsi que tout ce que l’on souhaitait éviter est parfaitement arrivé, parce que s’en nous en rendre compte, nous aurons créé cette situation. Nous expliquerons que c’est l’autre qui est parti, et que nous sommes la victime abandonnée, répétant encore et encore la même scène.

 

Si quelqu’un vous propose de vous rendre heureux(se), si vous voulez qu’on vous rende heureux(se), si vous voulez rendre heureux(se), je vous encourage à la méfiance ! La seule personne qui peut vous rendre heureux(se) c’est vous-même ! Toute croyance encourageant le pouvoir d’autrui sur vous-même, ou votre pouvoir sur l’autre, est la mise en place de relations de domination/soumission, où il y a celui qui peut qui considère que l’autre ne peut pas, c’est une relation déséquilibrée qui dépend d’une seule personne au lieu de deux.

 

Avant d’accuser quiconque, avant de s’en remettre à l’autre, avant d’attendre le changement extérieur, nous devrions TOUJOURS commencer par nous-même. Demandons-nous quel rôle nous avons joué ? Comment nous avons participé à créer ce qui se passe ? Commençons par agir, par changer nous-même et ensuite nous verrons ce qui se produit et s’il est réellement nécessaire de demander quoi que ce soit à l’autre…

 

Toute personne qui vous demande quelque chose, qu’elle pourrait faire elle-même vous fait prendre en charge/la responsabilité de son problème, vous devenez celui qui est puissant et qui nourrit l’impuissance de l’autre.

 

Je suis passée par là, je suis passée de victime des autres à personne autonome et responsable, je n’ai pas changé qui je suis, j’ai changé ma façon de penser, de voir, de juger, tout est question de perceptions.

 

On n’est pas obligé de faire attention, on n’est pas obligé de s’attarder, de répondre présent, de batailler sans cesse, on n’est pas obligé de tout prendre à cœur, d’être piqué au vif pour tout, tout le temps… Avoir appris à prendre de la distance lors de ces situations ne m’a pas rendu moins sensible, cela m’a juste appris à diriger mon énergie de meilleures manières que je ne le faisais avant. Je continue de voir, d’entendre, mais j’ai arrêté de monter au créneau pour un oui ou pour un non. Parce que pendant que je faisais ça, je ne pouvais pas voir autre chose, je ne pouvais pas choisir autre chose, je vidais mes batteries dans quelque chose d’improductif, et n’avais donc plus d’énergie pour produire quelque chose de positif. Savoir reconnaître les batailles utiles et vaines nous donne beaucoup de pouvoir.

 

Vous voulez cesser de souffrir ? Les souffrances se nourrissent du déni, de l’évitement, de la non-reconnaissance. Pour cesser de souffrir, il faut commencer par accepter/accueillir la souffrance. Une fois qu’elle est reconnue et entendue, une fois que le message est passé, la souffrance s’estompe. La souffrance est exactement la même que la douleur pour le corps, sauf qu’elle exprime celle de l’âme. Quand vous avez mal au genou, c’est plus facile de l’identifier et d’y appliquer le bon traitement, parce que vous voyez, vous sentez votre genou, vous pouvez l’observer et le montrer. L’âme c’est plus compliqué, on ne la voit pas, ce qu’on sent, on ne sait pas l’observer, le toucher, le montrer… Alors y prêter attention, l’identifier correctement c’est difficile, surtout qu’on ne nous l’a généralement pas appris. Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre, pour aller à la rencontre de Soi, se connaître mieux et s’élever.

 

Se victimiser parle de nos souffrances, de notre impuissance, de notre immaturité… La première étape à franchir pour dépasser cette condition, est de se voir, de se reconnaître ainsi.

 

Il n’est pas possible de cesser de boire sans reconnaître être alcoolique.

 

Se victimiser c’est pareil que l’alcoolisme, c’est une addiction, une habitude, quelque chose qu’on ne se voit pas faire, que l’on cultive quotidiennement, ça nous détruit de l’intérieur à petit feu sans qu’on s’en rende compte. En fait c’est pire que l’alcoolisme, parce qu’aucune campagne de mise en garde n’existe contre la victimisation, personne ne vous dit combien c’est mauvais pour votre santé, combien ça peut vous rendre malade à terme, et qu’il est possible d’en mourir, à force de passer à côté de soi, des autres, de la vie.

 

On croit que prendre possession de sa vie va de soi. Nos parents (biologiques) nous donnent la vie, nous donner quelque chose ne signifie pas que nous l’ayons pris et que nous nous le soyons appropriés. A croire qu’être en vie c’est respirer, ou qu’être Maître de sa vie, c’est être vivant, je répondrai que respirer ne suffit pas à incarner la vie, et qu’être vivant ne suffit pas pour être Maître de sa vie. Naître (N’Être) au monde est une épreuve, prendre sa vie en main l’est aussi.

 

Nous participons à creuser des fossés, ou à construire des passerelles avec les autres. Nous pouvons penser que ce sont les autres qui peuvent cesser de creuser des fossés, ou nous pouvons créer les passerelles que nous réclamons tant, et qui sont entre nos mains avant d’être entre celles d’autrui.

 

Apprenez à vous voir, avant de focaliser sur ce que vous voyez de l’autre. Prenez conscience que ce que vous voyez chez l’autre est ce que vous ne voyez pas en vous, mais qui existe en vous. Changez de lunettes et vous verrez le monde autrement… Penser autrement, et vous vivrez d’autres choses…

 

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