Quelles sont les clés de l’apprentissage ?

Partie 1

Article issu du magazine Sciences et Avenir – La Recherche n°896

 

1. Maîtriser son attention

 

À chaque instant, notre cerveau est bombardé de pensées et de signaux sensoriels attractifs. Pour lutter et rester concentrés, nous sommes dotés d’un système cérébral puissant qui privilégie certains signaux et en inhibe d’autres, c’est l’attention. Focaliser son attention sur un objet de pensées rend aveugle à d’autres stimulations, note Stanislas Dehaene (professeur en psychologie cognitive au Collège de France). L’attention amplifie l’information et décuple son apprentissage.

 

Jean-Philippe Lachaux (chercheur à l’Inserm en neurosciences cognitives, Programme ATOLE) ajoute : « Un cerveau attentif s’implique beaucoup plus, réagit mieux, comprend mieux et mémorise mieux. On ne peut quasiment rien appendre sans une capacité d’attention stable. Notre cerveau aime ce qui est brillant, sonore, nouveau, ce qui nous émeut, nous obsède, ou bien ce que nous avons l’habitude de faire. Avec les écrans, les cibles attentionnelles possibles se sont multipliées. Comment résister ? Bien sûr on peut éloigner les sources de distraction. Mais le mieux est encore d’apprendre à maîtriser le système attentionnel, notamment en comprenant que le cerveau n’est pas multitâche. Ce serait comme si on essayait de faire deux bras de fer en même temps. Le cerveau passe d’une tâche à l’autre, en se déconnectant et se reconnectant en permanence, c’est pourquoi faire plusieurs choses en même temps n’est pas efficace et est énergétivore pour notre cerveau.

 

Pour rester actif, il faut donc proscrire les situations où il y a plus d’une tâche à la fois. Pour ce faire on peut apprendre à rester concentré quelques minutes de suite en faisant des « bulles » ! J’appelle bulles des courts moments pendant lesquels sont mis entre parenthèses tous nos objectifs sauf un sur une durée très limitée comme faire une course ou écrire un email. Elles risquent d’autant moins d’exploser qu’elles sont courtes. À l’intérieur de ses bulles temporelles d’attention, le système est toujours à l’affût d’éléments importants autour de nous qui peuvent faire voler notre bulle en éclat, et notre cerveau (circuit de la récompense) est toujours en quête de plaisirs immédiats. Alors il faut apprendre à reconnaître les signes avant-coureurs de la distraction (posture, agitation).

 

De manière générale, mieux vaut aussi éviter d’avoir deux intentions en même temps et se projeter sur une cible claire. Puis, comme une intention est vite oubliée on peut la décomposer en tâches simples faciles à exécuter, que l’on va réaliser les unes après les autres : des mini-missions. Le cortex préfrontal, PDG de notre cerveau affectionne ces mini-missions ; ce doit être des séquences simples aux règles bien établies. »

 

2. Engager activement son cerveau

 

Apprendre c’est changer son cerveau, rappelle Steve Masson (professeur en neuroéducation au département de didactique de l’université du Québec à Montréal, auteur d’Activer ses neurones – ed. Odile Jacob 2020). C’est modifier la façon dont les neurones sont interconnectés. Et pour transformer son cerveau, il prône, à l’instar de Stanislas Dehaene, de garder celui-ci dynamique dans un engagement actif, ce qui signifie éviter la passivité. Pour cela, un enseignement interactif est généralement bien plus efficace qu’un cours passif où l’élève ne fait qu’écouter des explications.

 

Dans une méta-analyse publiée dans les PNAS en 2014, Scott Freeman (de l’université de Washington à Seattle), a passé en revue 225 études comparant l’efficacité d’un enseignement magistral ou interactif en sciences, mathématiques ou ingénierie. Les résultats montrent qu’un apprentissage actif apporte une amélioration des notes de 6 % et une diminution de 12 % du nombre d’étudiants en échec. L’enseignement magistral où l’étudiant n’a pas de possibilités de questions immédiates est associé à une plus faible probabilité d’activation que les approches plus participatives. L’écoute et la lecture simples peuvent aussi être actives pourvu que l’on se concentre.

 

3. Se tester pour retenir les savoirs

 

Après avoir été attentif à un cours, une leçon, l’une des façons les plus efficaces de retenir les savoirs est de se tester. Lire ou relire ses notes n’est en revanche que très peu utile. Si une tâche (la lecture du cours) est trop facile, elle active peu ou pas le cerveau et ne crée pas de nouvelles connexions. Le changement est très modeste. En revanche, s’auto-questionner et élaborer des explications mettent en œuvre une fonction de récupération en mémoire des informations du cerveau qui est, selon les études, l’exercice considéré comme le plus puissant dans l’apprentissage. Il vaut donc mieux ne pas relire mais plutôt essayer de se souvenir. En pratique, au lieu de relire ses notes, l’étudiant doit prendre une feuille blanche et se tester. Cela consolidera les réseaux de neurones impliqués et ils seront plus faciles à réactiver. Un changement de paradigme est pour cela nécessaire. Il faut percevoir les tests comme faisant partie intégrante du processus d’apprentissage et non uniquement comme un outil de vérification de réussite.

 

4. Profiter de ses erreurs

 

Mais lorsque l’on se teste, il arrive que l’on échoue. Pour progresser, l’enfant doit aussi échouer à condition que ce signal de feed-back [retour d’information], non punitif, lui indique la bonne voie, estime Stanislas Dehaene. Tous les spécialistes s’accordent à le dire : l’erreur et sa correction doivent être au centre du processus d’apprentissage.

 

Une étude avec une modélisation informatique suggère qu’un taux de réussite de 85 % et 15 % d’erreurs serait idéal pour optimiser l’apprentissage. Il faut faire quelques erreurs, mais pas trop pour ne pas se décourager. Chaque erreur doit être corrigée. Pour qu’une personne apprenne, il faut que son entourage lui fournisse le plus rapidement possible un retour sur erreur, souligne Stanislas Dehaene. Ce qui n’a rien à voir avec une note sèche sans explication, équivalente à une sanction. L’idéal est un retour rapide et détaillé, sans attente après le contrôle.

 

John Hattie (chercheur à l’université de Melbourne) a exploré 800 méta-analyses pour en tirer un classement des facteurs clés de la réussite scolaire. En haut du podium arrive le feedback de l’enseignant, et en deuxième place, la relation de confiance avec l’enseignant. Autant dire que le retour sur erreur et la manière de le faire sont fondamentaux. On touche là aussi à la question de la motivation. Quand on réussit, une région du cerveau, le striatum, incluse dans le circuit de la récompense, secrète de la dopamine, provoquant du plaisir et de la satisfaction. C’est un élément contributif à la motivation. Cet élément expliquerait le manque de motivation des élèves vivant beaucoup d’échecs et peu de succès. D’où l’intérêt de proposer des défis qui soient à la hauteur des apprenants et jugeant bien le niveau de difficulté.

 

Suivra prochainement la partie 2 de cet article

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