Couper le cordon ombilical

La première chose qui nous entrave pour prendre notre envol en tant qu’être à part entière, c’est le cordon ombilical. Non pas celui qui fût coupé à la naissance, mais celui qui reste invisible après, et qui nous relie à notre mère, et plus largement à notre père et parfois à nos frères et sœurs… Celui qui signifie LIEN familial et qui nous attache à des personnes par contraintes et non par choix.

 

Ne vous êtes-vous jamais demandé si vous auriez choisi tel ou tel membre de votre famille, si vous aviez dû les croiser dans la vie de tous les jours ?

 

On choisit nos amis, mais pas notre famille. Nous naissons profondément dépendant et impuissant, et que nous soyons nés dans un « bon » environnement ou non, à vrai dire nous n’avons pas le choix ; non seulement nous faisons avec quoiqu’il arrive, mais même dans le pire des cas, nous éprouvons une forme « d’amour » pour le parent toxique ou maltraitant, parce que nous sommes programmés pour cela, cela fait partie de la condition sinequanone à notre survie. Alors ce que nous croyons de l’amour prend le reflet de notre vécu, qu’il soit à l’image ou non de l’amour véritable.

 

Aussi cliché que cela puisse être, nos problèmes d’adulte éclosent dans l’enfance et tant que nous ne sommes pas prêts à examiner et remettre en question cette dernière, il est fort probable que nous ne soyons pas prêts à devenir adulte.

 

Il est très aisé d’observer les personnes dont les parents sont intouchables, considérés presque comme des dieux, dont la parole et les actes sont indiscutables. Ces personnes n’ont pas coupé le cordon et restent les enfants de leurs parents. Ils ne peuvent critiquer, s’opposer et se détacher du regard de leurs parents.

 

Être soumis aux regards de nos parents en tant qu’enfant est un fait, mais l’être en tant qu’adulte est un choix ; un choix conscient ou inconscient, sensé ou insensé, constructif ou destructeur… Il n’y a pas de règles ou de modes d’emploi sur les liens et les relations que nous entretenons avec nos parents, il appartient à chacun de prendre ses décisions et ses responsabilités à ce sujet.

 

Mais si vous êtes un adulte soumis aux regards de ses parents, et que ces regards manquent de bienveillance, de respect et plus largement d’amour, alors il est temps de vous en détacher et de couper le cordon.

 

Normalement la période de l’adolescence est faite pour se détacher du regard de nos parents. C’est ainsi que l’on veut penser autrement que nos parents, quitte à choisir des partis pris stupides, à nous démarquer extérieurement (coupe de cheveux, vêtements, styles musicaux etc…) et à nous opposer, même quand c’est contre notre propre intérêt. La crise d’adolescence est bien connue, mais elle n’est pas toujours comprise. Les adolescents soumis à leurs hormones nouvelles subissent des débâcles émotionnelles dont ils ne savent quoi faire et comprendre. Tout se bouscule, il y a beaucoup à gérer intérieurement, on ne veut plus être un enfant, mais on cultive un comportement immature, on veut être adulte, mais on ne veut pas la responsabilité qui va avec, on veut être libre mais on est profondément dépendant de nos parents… C’est une période de la vie très paradoxale, conflictuelle par nature, et c’est par l’agressivité que l’adolescent arrivera à trouver l’énergie et le courage de se détacher du regard de ses parents, pour aller à la découverte de sa personnalité, afin de se construire individuellement comme futur adulte. L’adolescence est donc une période difficile, aussi bien pour l’enfant, que pour les parents, mais chacun est censé en ressortir grandi. Certaines seront plus turbulentes que d’autres mais tant que l’objectif de séparation est atteint, j’ai envie de dire que cela n’aura été qu’une épreuve de plus, dans le long chemin de la vie.

 

Là où ça se complique c’est quand l’objectif de séparation parent-enfant n’est pas atteint, quelle qu’en soit la raison. A priori ça va se compliquer aussi bien pour l’enfant que les parents. Les 2 partis seront condamnés à jouer encore et encore la même scène, les mêmes rôles, sans tenir compte de l’âge qui avance.

 

Quand ceux qui se seront séparés, pourront entamer une nouvelle étape relationnelle du lien parent-enfant, celui d’égal à égal, d’adulte à adulte, qui peuvent interagir sur de nouveaux plans, avec de nouvelles modalités, qui n’existaient pas jusqu’à présent. Le lien de dépendance se transforme en interdépendance mutuelle, et c’est la notion de réciprocité de l’interdépendance qui fait toute la différence relationnelle entre l’état d’enfant au yeux de nos parents, à l’état d’individu accepté.

 

Le processus d’autonomie et d’indépendance de l’adolescent est censé être celui-ci. Mais s’il est entravé, voire stoppé, l’individu restera bloqué au stade de l’adolescence, tout en n’ayant l’âge d’un adulte, qui vieillira et creusera le fossé du décalage, jusqu’à ce que cela ne soit plus tolérable. Sans doute dans un premier temps pour l’entourage, jusqu’à la prise de conscience de l’individu.

 

Un individu soumis au regard négatif de ses parents souffrira d’un manque de confiance et d’estime de soi, sa perception de lui-même sera peu valorisante, le manque d’amour nourrira un grand vide intérieur, qu’il tentera surement de combler à l’extérieur de lui-même. Ses relations à l’autre seront biaisées, il risque d’être un dépendant affectif, guidé par son besoin de plaire et d’être aimé. Toutes ces non-reconnaissances et non-prises en charges individuelles de ses manques et besoins engendreront de nombreux comportements destructeurs pour lui-même et ses proches. Toutes les stratégies mises en place pour faire bonne figure ne dureront qu’un temps, jusqu’à ce que le déni de soi ne puisse plus être possible.

 

Couper le cordon ne résout pas tout, mais c’est la première étape à franchir pour devenir notre propre parent et remplacer ceux qui n’auront pas rempli leur mission, telle que nous la considérons, pour nous-même et par nous-même. Il n’est jamais trop tard pour se libérer de nos parents, même s’ils sont décédés.

 

Couper le cordon quand on est adulte ne se résume pas à faire sa crise d’adolescence à retardement, cela consiste à faire le deuil de nos attentes d’enfant. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire que les personnes concernées soient encore vivantes, ou plus simplement à l’écoute de nos besoins, il ne s’agit que de grandir, et de cesser de faire l’enfant, quand bien même nos parents continueraient de s’accrocher à leur rôle.

 

Je finirai sur le fait qu’il existe surement autant de parents qui s’accrochent à leur rôle, que d’enfants qui refusent de grandir. Nous imaginons plus facilement ces parents qui traitent encore leur grand enfant comme un « bébé », mais parfois les parents tentent désespérément de pousser leur enfant à grandir, sans que ce dernier ne se décide à devenir mature et adulte. Il me paraissait important de ne pas blâmer plus un parti que l’autre en cas de non-séparation.

 

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