Autisme, Pourquoi plus d’hommes que de femmes ?

Par Pauline Duret, étudiante au doctorat en neurosciences

Pendant longtemps, l’autisme n’a été observé que chez les garçons. On pensait même que cela n’existait pas chez les filles. La recherche sur l’autisme féminin est très récente. Ci-dessous un article du magazine « Sur le spectre » qui propose une hypothèse sur la différence et la moindre détection ou propension de l’autisme féminin.

 

Pourquoi y a-t-il plus d’hommes que de femmes autistes ?

La piste de la plasticité cérébrale

 

Il est communément admis par la communauté scientifique que les garçons ont une probabilité quatre à sept fois plus grande de recevoir un diagnostic d’autisme que les filles. Ce déséquilibre a de multiples causes, la plus évidente restant un biais de détection en faveur des garçons prenant racine dans la définition historique de l’autisme à partir de cas masculins.

 

En effet, l’autisme se présenterait de manière plus subtile chez les femmes, le rendant plus difficilement identifiable. Cependant, il apparaît que cette explication n’est pas suffisante et que le risque accru d’autisme chez les garçons aurait une origine biologique. Plusieurs théories ont tenté, par le passé, d’expliquer cet état de fait, mais aucune n’a réussi à prendre en compte l’ensemble des résultats provenant des différentes disciplines scientifiques qui s’intéressent à l’autisme.

 

La nouvelle hypothèse présentée ici se base sur le rôle central de la plasticité cérébrale dans le développement de l’autisme et tente d’intégrer les découvertes récentes sur des aspects tant comportementaux cérébraux, que génétiques et moléculaires.

 

Un modèle basé sur la plasticité pour expliquer les manifestations de l’autisme

 

On connaît aujourd’hui environ 400 gènes liés à l’autisme. Parmi eux, la majorité est impliquée dans la synapse, cette zone de communication entre les neurones. Des mutations touchant ces gènes, modifiant la plasticité, pourraient être à l’origine de particularités retrouvées dans le cerveau autiste. Par exemple, on constate que pour certains types de tâches cognitives, l’activité cérébrale de certaines aires est supérieure chez les personnes autistes par rapport à celle des individus typiques et que certaines connexions entre des régions sont plus fortes. Il s’agit de régions perceptives, principalement visuelles ou auditives ainsi que d’aires associatives qui permettent d’intégrer les informations venant des différents sens. On montre aussi, dans des tâches simples, que les activations cérébrales sont légèrement déplacées et plus étendues chez les autistes. Ces observations résulteraient d’un phénomène de plasticité régionale : l’organisation de la structure et des connexions du cerveau se serait mise en place de manière alternative. Le modèle « Déclencheur-Seuil Cible » de l’autisme propose de prendre en compte ce rôle central de la plasticité :

 

  • Au départ, un individu possède un patrimoine génétique qui rend son cerveau plus ou moins susceptible à déclencher une réaction plastique à la suite d’une atteinte : c’est la notion de seuil. Les personnes autistes auraient un seuil plus bas, c’est-à-dire que leur cerveau déclencherait plus facilement cette réaction. 
  • À cette base, peut s’ajouter une mutation (ou un autre élément modifiant les conditions initiales) qui sera le déclencheur de la réaction plastique. Cette mutation peut être délétère et perturber la plasticité à un niveau tel que cela produira des troubles cognitifs graves et une déficience intellectuelle, dans le cas des autistes syndromiques. Si elle n’est pas délétère, la mutation enclenche une réaction plastique qui va réorganiser le cortex, dans le cas des autistes non syndromiques. 
  • Cette réaction peut toucher différentes parties du cerveau (cibles) dont la fonction va être exacerbée : les régions du langage, entraînant l’autisme de type Asperger ou les régions perceptives, entraînant l’autisme prototypique, qui tous deux se présentent sans déficience intellectuelle. 
  • Enfin, la préférence naturelle pour le langage ou la perception va entraîner de manière secondaire une négligence et un désintérêt pour les informations sociales. Ce modèle a pour avantage de distinguer les sous-groupes qui existent au sein du spectre de l’autisme et de prendre en compte les forces de ces personnes dans les domaines du langage ou de la perception, tout en expliquant les symptômes sociaux qui sont au cœur de la définition de l’autisme. De plus, il permet de rendre compte que de nombreuses fonctions biologiques et comportementales sont en fait normales dans l’autisme, mais qu’elles s’expriment moins.

 

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