Autisme pluriel

Il n'y a pas un autisme mais différents types d'autismes

Je vous relaie cet article de Mélanie Ouimet, co-écrit avec Mathieu Giroux (autiste tous les deux), qui fait une excellente synthèse de ce que revêt le mot « autisme » et de pourquoi on est un peu perdu avec les différents termes et l’image que nous avons de l’autisme. Bonne lecture

 

Le mythe de « l’autisme léger ou sévère » 

 

Pour comprendre l’absurdité du mythe sur la sévérité de l’autisme, il faut connaître un peu l’histoire médicale de l’autisme puisqu’elle est à la base de celle-ci.

 

L’idée que le continuum autistique serait trop grand et trop vaste est un sujet de discussion qui revient fréquemment dans le monde de l’autisme. On entend souvent qu’il y a trop de différences majeures entre les personnes autistes. Nous avons tendance à catégoriser les autistes entre eux et à les étiqueter de « légers » ou de « sévères ». On entend souvent que les autistes « sévères » n’ont rien en commun avec les autistes « légers ». On compare les autistes Asperger et les autistes de Kanner en suggérant que les premiers ne seraient que très faiblement « atteints » et que les deuxièmes auraient un degré de « sévérité » si prononcé que l’espérance d’une vie « normale » est vouée à l’échec en leur présumant une intelligence et une autonomie limitative absolue.

 

Mais lorsque nous nous appelons autistes, de quoi parlons-nous?

 

Pour comprendre l’absurdité du mythe sur la sévérité de l’autisme, il faut connaître un peu l’histoire médicale de l’autisme puisqu’elle est à la base de celle-ci. Ainsi, ce texte se voudra une brève synthèse historique et factuelle servant de référence pour les textes suivants.

 

L’autisme fut découvert par deux chercheurs autour des années 1940 soit le Dr. Léo Kanner et le Dr. Hans Asperger. Ils avaient découvert que plusieurs personnes, ayant différents diagnostics neurologiques, avaient en commun les mêmes caractéristiques: des limites dans les interactions sociales et des intérêts spécifiques. Asperger apportait une nuance en spécifiant la faculté spécifique pour le vocabulaire et la communication verbale alors que Kanner parlait des facultés sensorielles et des comportements plus « stéréotypés » allant jusqu’à parler de l’autisme infantile. Fait important à souligner, dans aucun cas, la déficience intellectuelle n’était évoquée. Asperger allait même jusqu’à donner le sobriquet affectueux de « petit génie » à ces enfants. Étant les pères de l’autisme, leurs contributions se retrouvent dans le DSM-4 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 4ème édition), en vigueur de 1994 à 2013, sous l’étymologie du Trouble Envahissant du Développement (TED).

 

Dans le DSM-4, l’autisme est classifié sous le titre de TED et est subdivisé en plusieurs catégories : le trouble autistique (autisme classique ou Kanner), le syndrome d’Asperger, TED non spécifique, le Syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance.

 

Ces catégories définissaient donc les autistes selon différents critères : des altérations au niveau des interactions sociales, des altérations au niveau de la communication, des intérêts restreints.

 

Le syndrome d’Asperger était un trouble autistique sans les altérations au niveau de la communication et sans retard dans le développement du langage.

 

Puisque ces deux catégories ne représentaient pas tous les cas possibles d’autistes, le TED non spécifique fut créé pour les personnes ne répondant pas aux critères du trouble de l’autisme, mais ayant des difficultés similaires.

 

Finalement, le Syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance sont des maladies neurocognitives dégénératives c’est-à-dire que l’enfant a un développement typique jusqu’à un certain âge avant de régresser. Ces deux diagnostics ont été retirés du DSM-5 puisqu’ils n’ont rien en commun avec l’autisme sauf certaines manifestations subjectives et stéréotypées.

 

Le terme « léger » est aussi apparu pour qualifier le syndrome d’Asperger comparativement au trouble autistique classique puisque le syndrome d’Asperger n’a que deux critères comparativement à trois pour le trouble autistique.

 

En somme, avec des critères subjectifs et des cas pratiques ne se retrouvant pas dans les trois catégories de l’autisme, les intervenants ont dû qualifier eux-mêmes les autistes. Ainsi est née l’appellation de « haut niveau » pour faire référence aux autistes n’ayant pas de déficience intellectuelle, mais ayant les critères du trouble autistique. Le terme « léger » est aussi apparu pour qualifier le syndrome d’Asperger comparativement au trouble autistique classique puisque le syndrome d’Asperger n’a que deux critères comparativement à trois pour le trouble autistique.

 

Cependant, comme les cas pratiques ne répondaient pas toujours à ces critères, le tout combiné aux nouvelles découvertes scientifiques, la catégorisation de l’autisme fut modifiée avec le DSM-5.

 

Le DSM-5 (2013 à aujourd’hui) regroupe les autistes (trouble autistique, syndrome Asperger et TED non spécifique) sous l’appellation du Trouble du spectre de l’autisme (TSA).

 

Ainsi, les chercheurs reconnaissent que les catégories du DSM-4 sont en fait, une seule condition médicale avec différents niveaux pour les deux critères du diagnostic : la communication et les interactions sociales et les comportements, activités et intérêts restreints ou répétitifs. Fait à noter, les altérations pour la communication sont maintenant universelles à tous les autistes (Asperger inclus). Ainsi, selon la sévérité qualitative des altérations aux critères et les besoins de support et d’accommodement, les autistes sont classés comme de « bas (fortement altéré ou grand besoin) à haut niveau (faiblement altéré ou faible besoin) » pour chaque critère. Un autiste peut donc avoir toutes les combinaisons possibles de bas et de haut niveau allant de la correspondance pour les deux critères ou de bas niveaux pour un critère et de haut niveau pour l’autre. Ainsi, cette représentation sur un spectre et personnalisée pour chaque autiste permet à la théorie de respecter la pratique.

 

Finalement, le Dr. Laurent Mottron a émis une hypothèse que le spectre de l’autisme serait composé de trois catégories d’autisme : syndromique, prototypique et Asperger. Cette hypothèse est le fruit, entre autres, de plusieurs recherches basées sur des tests objectifs et quantifiables.

 

Les autistes syndromiques représentent environ 15% des diagnostics d’autisme. Ces « autistes » sont qualifiés de cas lourds. Cependant, il ne s’agit pas d’autisme à proprement parler : leur fonctionnement cognitif diffère de celui de l’autisme prototypique. Ce n’est pas l’autisme qui est à la source du soutien considérable dont ils ont besoin, mais bien leur syndrome spécifique combiné à leur déficience intellectuelle.

 

L’autisme prototypique représente environ 70% des diagnostics. Celui-ci représente l’autisme non verbal ou avec un retard de l’utilisation du langage pour communiquer et axé sur la perception et le sensoriel.

 

Finalement, les Asperger, environ 15% des diagnostics, sont les autistes décrits par Asperger, c’est-à-dire des autistes ayant une capacité surdéveloppée pour le vocabulaire et la langue et des difficultés dans la coordination ou la motricité.

 

Pour l’autisme prototypique ou l’Asperger, c’est le développement du cerveau et l’utilisation des différentes zones du cerveau qui influenceraient la socialisation et la communication, les intérêts spécifiques ainsi que les pics de performances de chaque catégorie.

 

En conclusion, l’autisme, jusqu’à tout récemment avec le Dr Mottron et son équipe, a été évalué sur des critères subjectifs et qualitatifs, par des non-autistes avec des concepts et des théories non-autistes pour qualifier les autistes. En somme, c’est comme si vous demandiez à une personne voyante d’évaluer la « non-voyance » sur les capacités d’une personne non-voyante à marcher, à sauter ou à avoir un contact visuel lors d’une discussion. Cette situation a créé des dérives importantes et préjudiciables pour les autistes.

 
 

Sources : 

http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_josef_schovanec.pdf (lien inactif)

NeuroTribes. The legacy of autisme and the future ofneurodiversity, Steve Silberman, (Penguin books 2016)

L’intervention précoce pour enfants autistes. Nouveauxprincipes pour soutenir une autre intelligence, Laurent Mottron, (Mardaga,2016)

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2 commentaires

  1. Bonsoir 🙂 Je vous avais écris un commentaire dans la partie « désintégration positive de Dabrowski » du site courant mai 2021. Je voulais vous redemander si mon blocage émotionnel (soit à l’âge de 12-13 ans) se retrouve aussi dans des profils de personnes TSA (autistes de haut niveau, Asperger, … ?) ou cela n’a (pas grand chose) rien à voir ? Merci de votre réponse 😉 Bravo pour votre site riche en contenus ! Belle soirée.

    1. Bonjour David, le blocage émotionnel n’a pas de lien avec l’autisme, n’importe qui peut en souffrir. Pour s’en sortir seul, il faudrait beaucoup, beaucoup d’efforts individuels, c’est pourquoi je conseille de se faire accompagner au moins pour apprendre et comprendre comment ça fonctionne et ce qu’il est possible de faire par soi-même et comment.

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