Victime des autres, bourreau de Soi-même

De Guy Corneau

Résumé du Livre

 » Immanquablement, presque immanquablement, vient un moment dans une vie où ça ne va plus, où ça ne va plus du tout…  » Nous nous sentons alors défaits, à la fois victimes des autres et bourreaux de nous-mêmes, incapables de sortir de la prison de nos peurs. Et si ce moment difficile était justement l’occasion de nous libérer, de devenir enfin les créateurs conscients de nos propres vies ? C’est à ce cheminement que Guy Corneau nous invite avec une simplicité familière et lumineuse. Pour guider les étapes de notre transformation intérieure, il nous présente les dieux fascinants de la mythologie égyptienne. Osiris le glorieux, Seth le destructeur, Isis source de vie nous aident à comprendre les situations riches et complexes que nous vivons. Les positions de victime, bourreau, ou sauveur, se révèlent alors comme des rôles limitatifs dont chacun peut se dégager pour se réconcilier avec soi-même. Et, peu à peu, voir apparaître en soi un grand soleil. Il ne tient qu’à nous de le laisser briller, et de déployer nos ailes tel Horus, le faucon de lumière. Psychologie, psychanalyse, spiritualité : Guy Corneau fait appel à chacun de ces domaines et s’appuie aussi sur son expérience personnelle, pour nous entraîner, loin du cours magistral, dans une véritable danse de la vie.

Interview du site « Psychologies »

 

Guy Corneau, psychanalyste québécois, a été formé à l’Institut C.G. Jung de Zurich. Avec l’équipe de Cœur.com (www.productionscœur.com), il anime des ateliers de développement personnel destinés à stimuler l’expression créatrice. Il est également l’auteur de Père manquant, fils manqué (Les Editions de l’homme, 1992), N’y a-t-il pas d’amour heureux ? et La Guérison du cœur (J’ai lu, 1999 et 2002).

 

Les souffrances longues à s’apaiser, une mauvaise image de soi, des échecs à répétition… Autant d’obstacles dressés sur le chemin de notre épanouissement et qui peuvent nous enfermer dans le rôle d’éternelle victime. Or, pour Guy Corneau, échecs et blessures peuvent devenir des outils de croissance, le moyen de prendre conscience des maltraitances que nous nous infligeons et de mettre fin à la reproduction de nos scénarios de souffrance. Pour le psychanalyste, être acteur de sa vie consiste avant tout à renouer avec son individualité.

 

Psychologies : Votre livre s’ouvre sur le constat pessimiste que “presque immanquablement vient un moment où, dans une vie, ça ne va plus du tout”. Sommes-nous tous voués à connaître ce trou noir ?

 

Guy Corneau : Il me semble que nous rencontrons tous, à un moment ou à un autre, un sentiment de défaite intérieure. Il peut se greffer sur un événement extérieur, mais il peut aussi surgir quand tout semble aller pour le mieux. Et c’est pire, parce que l’on ne comprend pas pourquoi, subitement, on se trouve dans cet état-là. C’est comme si tout ce qui faisait notre vie avait perdu de son sens. On a le sentiment de s’être engouffré dans une impasse, de s’être construit sur du vent. L’émotion qui domine n’est pas forcément de l’ordre de la tristesse. Cela peut être de la colère, de la rage. Quoi qu’il en soit, on se retrouve dans une position de victime. Bien entendu, on peut avoir été victime d’un accident, d’une crise économique ou, bien avant cela, de parents maltraitants. Mais accuser les autres n’a rien de constructif. Une fois que l’on a dit : « C’est la faute de maman, de mon conjoint, de mon patron… », que peut-on faire ? Je crois qu’il est plus intéressant de considérer l’échec comme l’occasion d’une prise de conscience : ce qu’il peut nous révéler, c’est qu’avant d’être victime des autres, nous sommes victimes de nous-même, de notre propre fonctionnement.

 

Vous décrivez la position de victime comme une stratégie de survie. Contre quel danger ?

 

Contre le personnage que l’on se crée inconsciemment, en réaction aux heurts de l’existence, pour se protéger de la perte d’amour. Dans mon livre, je cite l’exemple d’une jeune femme, Hélène. Petite fille ronde, elle est sujette aux moqueries de ses frères, mais continue de s’arrondir pour se « coussiner » contre les humiliations. Lorsqu’elle quitte sa famille pour vivre sa vie, son parcours est celui des personnes qui souffrent de dépendance affective. Elle s’accroche aux moindres marques d’attention, met ses désirs de côté pour se dévouer aux hommes qu’elle aime et s’apercevoir qu’ils deviennent dominateurs et méprisants. Au bout du compte, Hélène n’a cessé de recréer les expériences d’humiliation de son enfance. La stratégie de la victime est donc une stratégie de soumission qui repose sur une estime de soi défaillante, sur l’intime conviction de ne pas mériter mieux. La victime, c’est l’éternel enfant qui attend tout de ses parents, l’adulte qui attend tout de son conjoint ou de son patron, le patient qui attend tout de son thérapeute. L’autre est investi comme sauveur. C’est à lui d’apporter l’amour ou la reconnaissance qui nous manque. A la longue, c’est un jeu où l’on se perd. Et pourtant, il n’est pas aisé d’y renoncer, parce qu’il apporte des gratifications : tant que je m’en remets à l’autre, je n’ai pas à me blâmer pour mes propres souffrances, je n’ai pas à me prendre en main.

 

Comment peut-on rompre avec ce fonctionnement ?

 

La vie se charge de nous remettre face à nous-même. Il arrive un moment où, à force de s’engouffrer toujours dans les mêmes impasses, on connaît ce sentiment de défaite que j’évoquais plus tôt. La répétition agit comme un signal d’alarme et nous invite à reconsidérer nos choix. Je crois qu’il est important alors de ne pas céder à la tentation de l’auto-dévalorisation. Plutôt que de considérer que mes erreurs confirment ma nullité, je peux envisager qu’elles puissent m’éveiller à moi-même. En ce sens, même les comportements les plus destructeurs participent d’un élan créateur. Quelque chose en moi cherche à s’exprimer, quitte à détruire le personnage que j’ai construit et qui m’étouffe. Ce qui étouffe la victime, c’est un fonctionnement dicté par la peur : la peur de se tromper, de décevoir, du ridicule, de manquer, de ne pas être aimée. La victime est le jouet d’un ensemble de besoins – être approuvée, posséder, ne pas déplaire… – dont le seul but est de la protéger de la répétition d’expériences négatives. Or, le bonheur ne se réduit pas à l’absence de souffrance. Il résulte de l’accomplissement de nos élans créateurs. Rompre avec un fonctionnement de victime suppose d’opérer un retour sur soi pour considérer avec bienveillance les blessures du passé, d’essayer de comprendre comment elles nous ont conduits à endosser un rôle qui ne nous correspond pas, pour tenter de renouer avec notre individualité profonde.

 

C’est loin d’être facile. Emportés par les exigences du quotidien, beaucoup d’entre nous ont le sentiment de s’être perdus en route…

 

Je ne dis pas que c’est facile. Dans certains cas, il est même indispensable de recourir à un thérapeute. Néanmoins, après la dépression, il reste une petite flamme qui nous maintient en vie. On fait alors l’expérience que la renaissance vient de l’intérieur. L’élan créateur, c’est la force vitale. On n’a pas à l’inventer, il existe en chacun de nous. Il s’agit juste de le laisser se déployer. Parmi les élans que nous partageons de manière universelle, il y a le goût d’exprimer les émotions et les talents que l’on porte en soi, qu’ils s’illustrent dans la réalisation d’un plat ou d’une œuvre d’art. Il y a celui de se sentir uni et utile à quelqu’un, conjoint, ami ou animal. La recrudescence du bénévolat signe le retour de cet élan, trop longtemps étouffé par notre société individualiste. Il y a le goût du sublime, du frisson qui nous informe que nous sommes devant quelque chose d’extraordinaire. La mobilisation contre la guerre en Irak participait de cette recherche du sublime, de cette volonté d’aller au-delà de ses préoccupations pour contribuer à une humanité meilleure. On peut m’objecter que tout ça est bien joli, mais que l’on n’a pas le temps de laisser ces élans s’exprimer. Or, on peut renouer avec eux par petites touches, en consacrant chaque jour une demi-heure à une occupation qui nous fait profondément plaisir : voir un ami, se promener, écrire… Il ne faut pas se leurrer, il y a un effort à faire pour ressusciter la flamme. Mais seul le fait de se réconcilier avec notre identité profonde – donc commencer à faire la paix avec nous-même – peut nous libérer du personnage qui nous limite. Et nous mener vers un bonheur durable.

 

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